Le mot « queer » a de multiples facettes. Face aux structures sociales rigides, étroites et individualistes, queer peut exprimer la fluidité, la plénitude et la collectivité. Comme verbe, « rendre queer » peut signifier de démanteler les pratiques discriminatoires afin de favoriser non seulement la sécurité, mais aussi la joie.
En cette fête de la Fierté, nous célébrons l’aspect queer dans tout son potentiel radical et nous demandons ce que pourrait signifier de rendre le développement économique communautaire (DÉC) queer.
Certaines personnes pourraient affirmer que le DÉC a toujours été queer. Après tout, c’est un modèle économique non conventionnel fondé sur le soin collectif. De plus, plusieurs stratégies de DÉC ont des racines profondes dans les communautés queer et trans, telles que l’entraide (anglais) et les coopératives d’habitation (anglais).
Malheureusement, ces liens avec la communauté queer ne rendent pas nécessairement le secteur du DÉC sécuritaire ou amical. Une grande partie de l’exclusion de la communauté 2SLGBTQ+ qui existe dans les milieux de travail traditionnels imprègne aussi l’économie sociale et solidaire (anglais). Avec la montée du capitalisme arc-en-ciel et du pinkwashing, les entreprises et gouvernements qui s’engagent à soutenir la communauté 2SLGBTQ+ finissent souvent par verser des ressources à des OSBL bureaucratisées, ce qui fait peu pour améliorer la vie des personnes queer qui sont BIPOC, pauvres, de la classe ouvrière, qui vivent avec une incapacité ou qui jonglent avec d’autres formes d’oppression systémique. En effet, le manque de financement et d’appui institutionnel continue d’être un fléau pour plusieurs organisations qui fournissent des services de première ligne essentiels aux personnes 2SLGBTQ+.
Ces enjeux sont les manifestations des systèmes plus larges d’oppression qui ciblent les personnes queers au Canada et autour du monde (anglais). Toutefois, porter une attention exclusive aux dommages causés par la persécution anti-2SLGBTQ+ peut perpétuer le stéréotype des « personnes queers malheureuses » (anglais) et risque même de pathologiser les personnes queers comme si elles étaient endommagées. Comme le dit Eve Tuck, Ph. D. (anglais) dans une lettre aux communautés et aux personnes du monde de l’éducation et de la recherche qui travaillent auprès de communautés autochtones, un cadre fondé sur les dommages « renforce et réinscrit un concept unidimensionnel voulant que [certaines] personnes soient diminuées, ruinées et désespérées ».
La professeure Tuck suggère plutôt de nous concentrer sur le désir. « Le désir est responsable de la perte et du désespoir, mais aussi de l’espoir, des visions et de la sagesse des vies vécues et des communautés. Le désir fait partie du pas encore et quelques fois, du plus du tout. »
Que pourrait signifier d’explorer et de mettre les désirs queers au centre, pour le plaisir et l’abondance, pour la solidarité et la sécurité dans tout le travail du DÉC? Qu’est-ce qui serait reformulé et recadré? Et comment chaque personne pourrait-elle incorporer la libération queer comme étant fondamentale pour tout ce que nous faisons?
Cet article a été publié dans notre bulletin d’information national de juin 2023. Si vous l’avez aimé, n’oubliez pas de vous inscrire sur notre liste de diffusion.