Les principes associés au développement économique communautaire (DÉC) tels que la solidarité, le coopératisme et l’entraide ont été pratiqués par plusieurs communautés noires autour du monde depuis des milliers d’années. Le Mois de l’histoire des Noirs est donc une occasion de célébrer les façons dont les communautés noires ont façonné et continuent de façonner le DÉC contemporain.
Toutefois, cette célébration est incomplète si nous ne faisons pas face au rôle fondateur que le racisme anti-noir a toujours joué pour soutenir l’économie canadienne et comment cela a affecté le DÉC et le secteur social.
L’esclavage a été pratiqué dans les territoires qui deviendraient le Canada à partir d’environ 1630 jusqu’à son abolition en 1834. Pendant cette période, comme l’écrit Robyn Maynard, « la société coloniale blanche a profité de la possession de personnes noires (et autochtones) non libres et de leur labeur… tout en les exposant à de la brutalité physique et psychologique. »
L’abolition de l’esclavage n’a pas mis fin à l’exploitation des personnes noires ou l’extraction de leur richesse. Comme l’explique Robyn Maynard, « l’esclavage et ensuite les politiques ségrégationnistes de l’état par rapport à l’immigration, la main-d’œuvre et l’éducation ont situé [les personnes noires] dans un statut social et économique plus bas que la population canadienne blanche. »
La pauvreté sanctionnée par l’État était soutenue par le racisme systémique dans des institutions telles que les soins de santé, l’éducation, le maintien de l’ordre, le logement, l’immobilier et la finance et continue de l’être. Tout ceci sert à extraire la richesse et les ressources des communautés noires pour que les personnes qui sont déjà privilégiées dans notre modèle économique dominant puissent continuer d’accumuler du pouvoir, de la richesse et du contrôle.
Toutefois, l’injustice économique n’est pas une loi de la nature. Jessica Gordon Nembhard, Ph. D., nous rappelle que « le système du capitalisme dans lequel nous sommes présentement », qui nécessite une hiérarchie et une domination raciale afin de fonctionner, « est très récent à l’échelle humaine ». Lorsque nous regardons l’histoire sur une période plus longue, nous constatons que « l’économie solidaire » est vraiment le premier système économique de l’humanité et le plus durable.
Caroline Shenaz Hossein, Ph.D. et Megan Pearson expliquent que les économies solidaires sont fondées sur le coopératisme, l’équité et la démocratie sociale et économique. Elles retracent les origines de l’économie solidaire aux communautés noires et autochtones à travers le monde. Plusieurs praticiens et praticiennes situent le DÉC au sein du mouvement mondial de l’économie solidaire. En fait, le professeur John Loxley a attribué à l’économiste afro-guyanais C.Y. Thomas d’avoir influencé la création des principes Neechi, une force directrice de l’évolution du développement économique communautaire au Manitoba.
Quelques fois, les économies solidaires sont une stratégie de survie, car sans partage ou entraide, par exemple, plusieurs communautés opprimées s’effondreraient tout simplement. Toutefois, Gordon Nembhard dit que ces systèmes sont quelquefois aussi créés « avec une vision plus large en tête afin de vraiment changer la société et amener la prospérité » à tout le monde.
Ces spécialistes pointent toutes et tous au potentiel au sein de l’économie solidaire de transformer notre système économique dominant du bas vers le haut. Mais le racisme anti-noir demeure un obstacle à la réalisation d’une telle transformation, non seulement au sein de la société dans son ensemble, mais aussi au sein de notre secteur. Gordon Nembhard a écrit sur le racisme au sein du mouvement coopératif. Caroline Shenaz Hossein et Megan Pearson ont expliqué que les personnes noires, autochtones, et de couleur sont souvent exclues au sein du secteur social, une exclusion qui « soutient l’injustice raciale, la violence, l’exclusion et les traumatismes au Canada et ailleurs. »
Nous ne sommes peut-être pas toutes et tous opprimés par le racisme anti-noir, mais nous souffrons toutes et tous d’une économie qui traite les personnes et la planète comme des marchandises jetables. Si le racisme anti-noir nous sépare de la transformation économique, nous devrions déployer des efforts pour la libération des Noirs, même si nous ne sommes pas Noirs. Notre libération collective exige la liberté des Noirs.