Article de blogue, RCDÉC

Le DÉC mené par la communauté noire, d’une génération à l’autre

février 26, 2024

Le RCDÉC a 25 ans cette année! Et puisque les générations sont habituellement définies par des périodes de 25 ans, nous réfléchissons au concept de mouvement générationnel. Comment la sagesse de la génération précédente façonne-t-elle non seulement le présent, mais aussi la façon dont nous avançons?

Cette question prend une importance toute spéciale pendant le Mois de l’histoire des Noirs. Le développement économique communautaire (DÉC) au Canada et à travers le monde a toujours été façonné par les personnes noires. Des premières associations de crédit et sociétés d’entraide à l’économie sociale solidaire contemporaine et au-delà, le DÉC mené par la communauté noire est non seulement une résistance à l’oppression économique, c’est une voie vers la libération collective.

Nous voulions y réfléchir plus en profondeur du point de vue de mouvement générationnel, et nous avons donc demandé à nos réseaux de nous faire part de leurs perspectives relativement aux générations passées, présentes et futures du DÉC mené par la communauté noire.

En repensant à la génération précédente de développement économique communautaire mené par la communauté noire, quels sont certains des exploits, des défis et des apprentissages qui orientent votre travail aujourd’hui?
Ryan O'Neill Knight
Ryan Knight

Ryan Knight, directeur général de l’Afro Caribbean Business Network Foundation Canada; membre du conseil d’administration du RCDÉC :

Depuis 60 ans, la communauté noire a tenté sans succès de financer sa voie vers l’autonomisation noire (consciemment ou inconsciemment) [et a essayé] de combattre le racisme antinoir sans institutionnaliser les solutions aux plus hauts niveaux d’engagement des organisations. Mais surtout, l’approche d’organisation communautaire de faible niveau est un obstacle définitif à la créativité et à l’innovation, ce qui crée d’autres obstacles.

Ce constat découle de notre recherche qui examinait le financement et les stratégies historiques dans notre travail commandé The Black Empowerment Manifesto rédigé par Errol Gibbs. Extrait ci-dessous…

… les « statistiques symptomatiques » mènent à des « réponses orientées sur les symptômes » plutôt que des changements qui traitent les « causes principales ». Les causes principales sont généralement moins apparentes que les effets. Exemple concret : Les conséquences de la violence sont visibles et alarmantes pour la société, toutefois, les causes profondes et sous-jacentes qui confrontent la société chaque jour, dans les maisons, les milieux de travail, les communautés, les entreprises et dans la profondeur de l’esprit humain échappent souvent aux observations et analyses approfondies. Les causes profondes sont moins bien comprises, moins accentuées et elles sont moins « mesurables statistiquement » et analysées pour « régler » les problèmes « avant le fait », mais où sont les vraies solutions? Est-ce que les solutions pourraient être aussi simples que l’équité l’égalité, l’empathie, l’impartialité et la justice? Ce peut être un défi de s’élever jusqu’à de telles vertus en pensée et en pratique parce que la condition humaine qui sous-tend de telles solutions peut ne pas être le sujet d’analyses quantitatives et qualitatives des solutions.

En pensant à la prochaine génération de DÉC mené par la communauté noire, quels sont certains de vos espoirs, de vos inquiétudes et de vos rêves pour l’avenir?
Carolin Shenaz Hossein

Caroline Shenaz Hossein, Ph. D., Chaire de recherche du Canada en développement africain et en économie politique féministe; professeure agrégée de développement mondial à l’Université de Toronto; fondatrice de la collective Diverse Solidarity Economies (DISE) :

Que les cohortes étudiantes, les jeunes, la génération qui nous suis explore de façon définitive ce qui n’est pas vu. Qu’est-ce qui a été effacé délibérément? Qu’est-ce qui [a été] tut et [comment pouvez-vous] tenter de rendre visible les personnes qui ont été rendues invisibles? Je crois que c’est la clé.

C’est du travail ardu; ça prend du temps. Cela veut dire que vous devez fréquenter et accompagner des personnes, apporter une sorte d’humilité au travail que vous réalisez pour reconnaître que des personnes trouvent des solutions ensemble qui ne sont pas menés [par] un « acteur rationnel », mais davantage [par la question de] « comment nous coopérons et nous nous rassemblons »? …

Le temps est tellement urgent en ce moment. Nous devons commencer à redonner son importance à la collectivité [sous les formes] d’institutions contrôlées démocratiquement, de coopératives, de débrouillardise, d’entraide, de vie organisationnelle. Cette collectivité a souvent été cachée ou ignorée, poussée à l’arrière-plan, tant dans l’informel que le formel, car il y a eu une intention délibérée de faire paraître l’industrie commerciale et corporative comme la seule alternative.

Et lorsque nous commençons à voir cette réalité, c’est alors notre responsabilité de commencer à mettre l’emphase sur ce à quoi ressemblent les institutions d’adhésion coopérative, à en faire l’inventaire, à les documenter, à les promouvoir de toutes les façons possibles.

Vous n’avez pas besoin d’être un érudit ou un universitaire pour faire ce travail. Si vous travaillez dans le secteur sans but lucratif, si vous faites des dons, si vous êtes responsable politique, le temps est venu de créer de l’espace, de créer ces lignes budgétaires, de la nouvelle programmation, qui commence à réfléchir à des institutions d’adhésion collective qui peuvent être investies dans la vraie transformation.

Parce que lorsque nous respectons les exigences des personnes qui font des dons qui veulent préciser des façons individuelles de travailler, nous perdons de vue ce à quoi ressemble la transformation pour plusieurs d’entre nous. C’est là où nous en sommes — les institutions à adhésion qui sont ancrées localement, situées dans notre propre cour arrière sont l’endroit où nous débutons. Assurez-vous que ces institutions sont démocratiques et collectives et qu’elles valorisent vraiment les principes tels que la réciprocité et la voix de la communauté.

Note : La professeure Hossein a partagé ces idées lors d’une entrevue fantastique avec Serena Bahadur dans le balado Diverse Economy Conversations for Youth Podcast. Citation partagée ici avec permission.

Comment le secteur du DÉC peut-il décentrer la communauté blanche et accueillir la libération noire comme un élément au cœur de tout ce qu’elle fait?
Beatrice Anane-Bediakoh

Beatrice Anane-Bediakoh (elle), Gestionnaire de programme et d’engagement du RCDÉC :

La question est intéressante. En réfléchissant au secteur du DÉC et à la libération de la communauté noire, l’accent devrait s’orienter vers une transformation idéologique plutôt que d’être uniquement axé sur le décentrage de la communauté blanche.

« Imaginez un changement de paradigme où les logiques raciales et les prédilections antinoires nocives sont inversées, ou d’être noir est conceptualisé et compris dans sa totalité. Et si chaque question et possibilité humaine était centrée sur la vie des personnes noires? Le manque d’imagination du monde face à la communauté noire est mis en évidence dans la promulgation brutale contre celle-ci. La question fondamentale est qu’il n’y a aucune hypothèse incontestée de l’humanité noire dans le monde, c’est mis en évidence par l’appel retentissant de Black Lives Matter, où la vie d’une personne noire a sans cesse besoin d’être légitimée et argumentée. Alors, lorsqu’on demande comment décentrer la communauté blanche du secteur du DÉC, ce qui est en fait nécessaire est plutôt une hypothèse sur ce qu’est être. Une création du monde qui contrecarre nos façons actuelles de comprendre les vies des personnes noires. Cela exige un cadre qui rétablit une image plus large de la vie des personnes noires. Une fois arrivés là, et seulement à ce moment, pourrons-nous avoir des conversations significatives au sujet de la libération.

Ryan Knight :

« … Écouter et soutenir des initiatives qui réalisent de la création d’emploi, de la création de richesse, qui créent des infrastructures numériques et physiques holistes, permanentes, au niveau macro pour susciter de la vraie “autonomisation noire” inclusive au cours des 50 prochaines années. »

Quelles sont certaines des ressources que vous aimeriez que toutes les personnes du secteur du DÉC puissent lire/regarder/écouter/etc.?
Gina Malaba

Gina Malaba (she/her), Coordonnatrice du programme, Action communautaire pour le développement de la main-d’œuvre :

Beatrice Anane-Bediakoh

Ryan Knight

Quelles initiatives de DÉC menées par la communauté noire aimeriez-vous promouvoir (incluant la vôtre)?

Beatrice Anane-Bediakoh :

J’aimerais présenter des initiatives menées par la communauté noire qui ont participé à CréeAction dont :

Gina Malaba :

J’ai récemment cofondé Black Students Association Alumni Network (BSAAN), une organisation qui regroupe des anciens et anciennes ayant pour but de soutenir le développement professionnel de la cohorte étudiante noire aux cycles supérieurs de l’Université de l’Alberta. Par l’entremise d’ateliers de formation, de groupes de discussion de carrière et de présentations d’étudiants et d’étudiantes des cycles supérieurs, BSAAM mène des efforts proactifs pour faire le pont entre des personnes noires qui étudient aux cycles supérieurs et une gamme de ressources communautaires ainsi qu’un pôle mondial d’employeurs potentiels. Ces activités sont créées dans le but d’accroître le réseautage, d’aborder le racisme antinoir et de sensibiliser au manque de ressources offertes aux jeunes noirs dans les secteurs de l’emploi et des services sociaux.

En faisant le pont entre des professionnels et la cohorte étudiante des cycles supérieurs, BSAAN crée une plateforme où les anciens et anciennes peuvent donner de leur temps et de leurs ressources à des générations plus jeunes déterminées à réussir dans des industries en changement constant.

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Merci à toutes les personnes qui ont partagé leurs perspectives avec nous. Bon Mois de l’histoire des Noirs!