Article de blogue, RCDÉC

Leçons d’organisation et de revendication de Winnipeg avec amour

avril 26, 2024

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Michael Barkman

La théorie du changement du RCDÉC affirme que « Nous croyons que la façon dont nous organisons nos relations dans un lieu donné est importante et que nos économies communautaires peuvent être des lieux de transformation. »

Donc, si notre objectif est de harnacher le pouvoir transformateur des économies communautaires, comment devrions-nous organiser nos relations dans un lieu? Qu’est-ce qui fonctionne? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Et comment canalisons-nous ces relations en revendications qui peuvent améliorer les vies des personnes de façon tangible?

Michael Barkman a voué une grande partie de sa carrière à répondre à ces questions tant en théorie qu’en pratique. À titre de gestionnaire du Réseau du Manitoba du RCDÉC, l’une des principales responsabilités de Michael est de mener les revendications en matière de politiques publiques par l’entremise de coalitions et de relations gouvernementales directes et de soutenir le programme Manitoba Learns. Il a aussi des années d’expérience à titre d’organisateur pour les droits des étudiants, les libertés civiles et les mouvements de lutte contre la pauvreté.

Au plus récent événement du RCDÉC MB, « Tiny Talks: Advocacy Training in Small Bites », Michael a présenté une séance intitulée How to Advocate and Organize. Nous lui avons demandé de partager certaines perspectives de sa séance, ainsi que de ses années d’expérience en organisation fondée sur l’emplacement dans le domaine du développement économique communautaire (DÉC).

Cette entrevue a été éditée pour la longueur et la clarté.

Quelles sont certaines des stratégies, idées ou inspirations que vous souhaitez que le public de How to Advocate and Organize ait acquis de la séance?

L’atteinte de notre vision exige que l’on demande et tente d’obtenir des changements systémiques et des changements de politiques. Nous pouvons faire beaucoup de travail transformateur au niveau communautaire, mais nous avons aussi besoin que les gouvernements jouent leurs rôles pour nous aider à nous rapprocher de notre vision. Au-delà de cela, si notre travail cherche uniquement à traiter les symptômes des défis de l’économie mondiale actuelle avec des moyens symboliques, je ne crois pas que nous réaliserons complètement le changement que nous souhaitons voir.

Cela exige que nous fassions de l’organisation communautaire, non seulement pour créer des solutions formidables et innovatrices de développement économique communautaire, mais aussi pour nous organiser ensemble pour que les gouvernements agissent différemment.

L’espoir de la séance était d’exprimer aux membres du public qu’ils pourraient et devraient faire de l’organisation communautaire et de la revendication. Ils ont déjà les compétences et les talents pour le faire. Il n’est pas nécessaire d’être un expert en politique publique. En apprenant et en travaillant ensemble, nous pouvons ajouter à nos compétences pour créer du changement.

Et l’autre message que je crois qui tentait vraiment d’être transmis aux personnes était l’importance du travail de coalition et du travail collaboratif. 500 voix qui disent 500 différentes choses peuvent être faciles à ignorer pour les gouvernements, ou diviser pour mieux régner, mais 500 voix qui disent une seule et même chose deviennent beaucoup plus difficiles à ignorer.

Bien sûr, ça ne fonctionne pas toujours aussi facilement. Même si vous avez des milliers et des milliers et des milliers de personnes qui demandent la même chose, les gouvernements peuvent quand même trouver des façons de l’ignorer. Mais le principe demeure vrai : en travaillant en collaboration en coalition et en travaillant à des objectifs similaires, nous pouvons aller beaucoup plus loin que nous pourrions le faire autrement.

Quels sont vos principes directeurs pour créer des relations communautaires fortes qui peuvent soutenir l’organisation communautaire efficace?

La première chose qui me vient en tête est la sagesse d’adrienne maree brown : que les choses avancent à la vitesse de la confiance. C’est important, car les relations fortes sont au cœur du bon travail d’organisation et cela vient par l’entremise d’un progrès profond les uns avec les autres. Et je crois que pour moi, ça prend quelques formes.

L’une de celles-ci est que c’est une pratique collaborative de travail avec les autres. Je crois que la collaboration est quelques fois perçue comme une compétence que vous avez ou pas, ce qui est une façon de voir qui n’est tout simplement pas réaliste. Vous pouvez et devriez renforcer, affûter, faire croître et développer vos compétences de collaboration.

Un autre principe est la croyance dans le pouvoir et l’importance de la bonne animation. Cela a vraiment de l’importance! Cela ne peut pas et ne résoudra pas tout. Par exemple, les conflits profonds exigent une médiation plus formelle ou un processus de transformation de conflit. Mais je crois qu’il y a des moments où l’organisation communautaire est brisée en raison d’un manque de bonne animation. Souvent, les personnes contribuent des idées et des souhaits de changement potentiellement conflictuels. Il y a donc beaucoup d’occasions où l’animation solide peut créer de meilleures relations, développer la confiance et trouver et établir des points communs rapidement.

La bonne animation et le renforcement de relations collaboratives peuvent aussi aider à s’assurer que davantage de voix diverses sont incluses. Vous savez, à titre d’homme blanc dans le travail d’organisation communautaire, je réfléchis beaucoup à la façon de créer des espaces où des personnes de diverses communautés se sentent incluses, accueillies et valorisées. Si je souhaite aider à démanteler la suprématie blanche dans ces espaces, je dois toujours me centrer sur la création de confiance et être dans de bonnes relations. Et la bonne animation peut assurer que les processus sont en place pour centrer les voix des personnes qui pourraient autrement être marginalisées.

Comment canalisez-vous ces relations en revendications efficaces?

Pour que cela se produise, il est important que les personnes commencent à se sentir connectées à une compréhension de leur propre rôle dans le travail de changement social. Il y a différents modèles théoriques qui peuvent être utiles, mais la chose principale est de savoir que vous pouvez jouer un rôle vraiment utile dans un cadre plus grand, et que vous n’avez pas besoin d’être tout ou de tout faire. En fait, essayer de jouer plus que votre rôle peut mener à des épuisements professionnels et de mauvaises relations.

Pour comprendre ce que sont ces rôles, il est important que les personnes sachent quelles compétences et quels talents elles contribuent. Ce sont des capacités dont on peut tirer profit, et qui peuvent aider à créer des rôles auxquels les personnes peuvent se sentir liées et investies.

Lorsqu’il y a une compréhension des rôles que les personnes peuvent jouer, il est alors utile de créer une stratégie de revendication, un plan de campagne ou un plan d’organisation communautaire. La stratégie devrait identifier clairement qui pourrait prendre les devants sur quoi et qui participe à quelle sorte de travail selon ce qu’elles veulent faire et ce qu’elles reconnaissent comme étant leurs forces.

Lorsque la stratégie est créée, essayez de vous y en tenir autant que possible. Bien sûr, les choses peuvent changer et certains plans devront être modifiés, mais de canaliser vos relations en une stratégie solide peut vous donner une vue plus longue que seulement la prochaine chose que vous faites ou le prochain événement qui aura lieu. Cela peut vous aider à répondre à la question « Qu’est-ce qui vient après? ».

En ce qui concerne les actions à entreprendre, je suis de l’école de pensée que les tactiques suivent la stratégie. Demandez-vous : « Qu’est-ce que nous pouvons faire qui nous permettra d’atteindre nos objectifs de la façon la plus rapide et la plus efficace possible? ». Est-ce que d’utiliser des leviers du gouvernement vous aidera à atteindre votre vision? Si c’est le cas, ce pourrait être pertinent pour votre coalition de vous mobiliser autour de la participation à des choses comme des réunions de comités et des consultations budgétaires. Mais certaines stratégies exigent d’autres tactiques, comme de l’action directe. Cela dépend du contexte, des enjeux ainsi que de la vision et de la stratégie de votre coalition.

Quelles que soient vos tactiques, votre approche face au récit est importante. Comment communiquez-vous votre message efficacement? Comment pouvez-vous raconter des récits qui incitent plus de personnes à participer et qui leur permettent de se sentir liées au travail?

Finalement, peu importe vos tactiques, il est important de comprendre les cycles de prise de décision qui ont un impact sur votre capacité d’atteindre votre vision. Prenez connaissance des échéances des consultations, réunions, etc., pertinentes à tous les paliers de gouvernement et incluez-les dans votre stratégie de revendication. Que vous soyez dans les couloirs du pouvoir pour parler lors d’une de ces réunions, ou occupé à organiser une manifestation à l’extérieur, ce sont des occasions importantes de tirer profit de votre pouvoir collectif et de le démontrer.

Qu’est-ce qui est unique par rapport à l’organisation et à la revendication en ce qu’elles ont trait au développement économique communautaire (DÉC)?

Plusieurs personnes dans notre réseau font de la construction locale formidable d’économies communautaires de façons qui sont vraiment transformatrices. Selon moi, nous avons aussi besoin que l’État (dans quelque forme que ce soit) crée vraiment de la transformation à plus long terme. Nous offrons de la formation aux praticiens et praticiennes du DÉC en partie pour les aider à penser à ce dont elles et ils ont besoin des gouvernements afin de créer de la transformation, et non pas d’ignorer les gouvernements, même s’ils peuvent être impressionnants. Et souvent, lorsque les personnes viennent à ce travail en provenance d’un domaine plus entrepreneurial ou innovateur, elles ne pensent pas automatiquement à la façon dont nous pouvons faire participer les gouvernements dans notre vision de construction d’économies locales et justes.

Si les objectifs portent sur la justice économique, la réconciliation économique et la transformation économique ainsi que sur la construction d’une économie plus juste, durable et inclusive, alors cette vision vient avec des objectifs de politiques et des changements sociaux dans les mentalités des gens. Toutefois, les stratégies et approches d’organisation exigées ne seront pas nécessairement différentes d’autres campagnes pour obtenir la justice. Par exemple, je pense au mouvement climatique et il est vraiment incroyable de voir les liens se créer entre le travail pour la justice climatique et celui pour la lutte contre la pauvreté. Ou la façon dont nous cherchons à intégrer les solutions climatiques dans les fondations du travail de développement économique communautaire, et comment le secteur du DÉC pousse les gouvernements à aussi soutenir ces solutions dans leurs plans climatiques.

En d’autres mots, les gens qui pratiquent déjà le DÉC ne devraient pas oublier ou ignorer l’importance de l’organisation communautaire et des revendications dans le cadre de leur travail. Et à l’autre bout du spectre, nous voulons que les personnes qui font de l’organisation communautaire infusent leurs campagnes pour la justice avec la puissance transformatrice de leurs économies communautaires. Nous voulons éliminer le cloisonnement en amenant l’organisation communautaire au DÉC et en amenant le DÉC à l’organisation communautaire.

Qu’est-ce qui vous inspire lorsque vous faites ce travail?

Mes grands-parents, qui étaient et sont encore (mon grand-père a 94 ans) d’ardents militants pour la paix. Dans les années 1960 et 1970, ils ont mobilisé un groupe de professeurs qui sont allés aux É.-U. pour manifester contre la prolifération nucléaire et ils sont aussi allés en URSS en mission d’amitié pour éducateurs. Ils ont été suivis par le SCRS lorsqu’ils sont revenus! De toute façon, j’ai grandi dans une maison où la justice sociale était importante et j’ai été aux premières loges de beaucoup d’organisation communautaire. Ma grand-mère avait le numéro de rappel de la CBC et les coordonnées du service éditorial du journal laminés sur son frigo. C’était extraordinaire de voir cette femme forte qui utilisait constamment sa voix pour obtenir des changements.

Récemment, je parlais avec mon grand-père et un de ses vieux amis, et l’ami a dit quelque chose comme « l’espoir n’est pas une action, c’est un engagement ». D’entendre cette sagesse provenir de ces deux militants de longue date alors qu’ils sont octogénaire et nonagénaire était galvanisant. C’est un engagement envers l’espoir d’obtenir du changement pour quelque chose de différent, même si ce changement semble très loin. Cela m’a aidé à vouloir m’engager à faire ma part pour le changement pour les 60 prochaines années. Je sais que mon espoir chancèlera plusieurs fois, mais je demeurerai engagé à concevoir le changement en leur honneur, en bâtissant sur leur travail.

Ben Losman

Ben gère les communications pour le RCDÉC. Il a aussi aidé à mettre en œuvre et gérer des projets tels que CréeAction et le programme de leadership communautaire.

Avant de se joindre au RCDÉC, Ben a été responsable de communications et de la programmation pour de nombreuses organisations à vocation sociale aux É.-U., au Canada et en Inde. Sa perspective professionnelle est façonnée par ses études en éducation à la justice sociale et à ses expériences dans le monde de l’activisme anticolonial et de l’éducation populaire.

La communauté idéale de Ben est créée autour de principes de souveraineté autochtone, de justice écologique, de l’abolition des prisons, du transport public gratuit et merveilleux et d’un accès abondant à de la bonne nourriture locale.

À l’extérieur du travail, Ben aime explorer le monde avec ses enfants, participer à des mouvements pour l’amour et la justice et lire.

Ben Losman