S’engager dans une carrière à vocation sociale n’implique pas toujours une vie professionnelle et personnelle épanouie. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire (Bidet, 2000), qui seront désignés ici sous le terme « acteurs de changement », peuvent eux aussi rencontrer au cours de leur carrière des enjeux de santé mentale importants les menant à des épuisements professionnels, des dépressions ou d’autres épisodes critiques de santé mentale.
Dans cet article, nous définissons la santé mentale comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté » (OMS, 2014).
Ces acteurs de changement œuvrent dans le monde de l’innovation sociale et notamment dans le milieu communautaire, dans des coopératives ou des fondations et sont parfois aussi des entrepreneurs sociaux. Ils sont tous animés par la mission sociale de leur activité qui a ainsi un fort impact social. Mais une carrière dans l’économie sociale et solidaire implique de nombreuses concessions. La forte implication des acteurs de changement comporte des risques pour leur santé mentale.
La problématique de la santé mentale n’étant que très rarement abordée pour cette catégorie spécifique de travailleurs, peu de ressources sont disponibles pour le moment et le tabou persiste. Les acteurs de changement ressentent ainsi le besoin d’être aidés et de trouver des solutions leur permettant de se sentir mieux, de maintenir un bien-être mental, mais surtout de prévenir et guérir les enjeux de santé mentale dans leurs organisations et leur écosystème.
La question qui se pose alors est celle de savoir comment favoriser la santé mentale dans le contexte particulier de l’économie sociale et solidaire dans lequel évoluent ces acteurs de changement?
Dans cet article, les auteurs répondent à cette question en mobilisant une perspective psychodynamique de la santé mentale issue des premiers travaux de Christophe Dejours (1995) et ayant trouvé écho au Québec (Carpentier-Roy et al., 2000; Rhéaume et al., 2001; Douesnard et al., 2011; Maranda et al., 2001, 2006, 2009, 2011; St-Arnaud et al., 2010, 2011, 2019) et dans différents milieux professionnels (Therriault et al., 2004a; Therriault et al., 2004b; Saint-Jean et al., 2006; Trudel, L., 2006; Ruelland et al., 2014).