Le Pape François appuie les coopératives pour la justice sociale, la dignité et la valeur des personnes

mars 17, 2015

Discours du Pape François aux membres de la Confédération des Coopératives Italiennes

Salle Paul VI
Samedi 28 février 2015

Frères et sœurs, bonjour !

Cette dernière [il se réfère à la chorale] a été la «  coopérative  » la plus mélodieuse ! Félicitations !

Merci pour cette rencontre avec vous et avec la réalité que vous représentez, celle de la coopération. Les coopératives défient tout, défient aussi les mathématiques, parce que dans une coopérative, un plus un font trois ! Et dans une coopérative, une faillite est une demi-faillite. Voilà ce qui est bien dans les coopératives !

Vous êtes avant tout la mémoire vivante d’un grand trésor de l’Église italienne. En effet, nous savons qu’à l’origine du mouvement coopératif italien, de nombreuses coopératives agricoles et de crédit, dès le xixe siècle, furent fondées et promues avec sagesse par des prêtres et des curés. Aujourd’hui encore, dans divers diocèses italiens, on a recours à la coopération comme remède efficace au problème du chômage et aux différentes formes de difficultés sociales. De nos jours, c’est devenu une règle, je ne dis pas normale, habituelle… mais très souvent on la voit : « Tu cherches du travail ? Viens, viens dans cette entreprise ». Onze heures, dix heures de travail, 600 euros. « Cela te va ? Non ? Rentre chez toi ». Que faire dans un monde qui fonctionne ainsi ? Parce qu’il y a la queue, une file de personnes qui cherchent du travail : si cela ne te convient pas à toi, cela ira bien à un autre. C’est la faim, la faim qui nous fait accepter ce qu’ils nous donnent, le travail au noir… Je pourrais demander, pour donner un exemple, aux employés de maison : combien d’hommes et de femmes qui travaillent dans le service domestique ont-ils une épargne sociale pour la retraite ?

Tout cela est bien connu. L’Église a toujours reconnu, apprécié et encouragé l’expérience coopérative. Nous le lisons dans les documents du Magistère. Rappelons-nous le cri lancé en 1891 par le Pape Léon xiii, avec Rerum Novarum : « Tous propriétaires et non tous prolétaires ». Et vous connaissez également certainement les pages de l’encyclique Caritas in veritate, où Benoît xvi s’exprime en faveur de la coopération dans le crédit et dans la consommation (cf. nn. 65-66), en soulignant l’importance de l’économie de communion et du secteur du non-profit (cf. n. 41), pour affirmer que le Dieu-profit n’est pas du tout une divinité, mais n’est qu’une boussole et un critère d’évaluation de l’activité des entreprises. Le Pape Benoît nous a aussi expliqué que notre monde a besoin d’une économie du don (cf. nn. 34-39), c’est-à-dire une économie capable de donner la vie à des entreprises inspirées par le principe de la solidarité et capables de « créer la sociabilité ». À travers vous, retentit donc l’exclamation que Léon xiii prononça, en bénissant les débuts du mouvement coopératif catholique italien, quand il dit que pour faire cela, « le catholicisme a une richesse de volonté merveilleuse » (Enc. Rerum Novarum, n. 15).

Ces affirmations, et beaucoup d’autres, de reconnaissance et d’encouragement adressées aux membres des coopératives de la part de l’Église sont valides et actuelles. Je pense aussi à l’extraordinaire magistère social du bienheureux Paul vi. Nous pouvons confirmer et renforcer ces affirmations. Pour cela, il n’est pas nécessaire de les répéter ou de les rappeler en toutes lettres.

Aujourd’hui, je voudrais que notre dialogue ne regarde pas seulement le passé, mais se tourne surtout vers l’avant : vers les nouvelles perspectives, les nouvelles responsabilités, les nouvelles formes d’initiatives des entreprises coopératives. C’est une vraie mission qui nous demande de l’imagination créative afin de trouver les formes, les méthodes, les attitudes et les instruments pour combattre la « culture du rebut », celle que nous vivons aujourd’hui, la « culture du rebut » cultivée par des pouvoirs qui régissent les politiques économiques et financières de l’univers mondialisé, où le dieu-argent est au centre.

Mondialiser la solidarité — voilà ce qu’il faut mondialiser, la solidarité ! — signifie aujourd’hui penser à l’augmentation vertigineuse des chômeurs, aux larmes incessantes des pauvres, à la nécessité de retrouver un développement qui soit un véritable progrès intégral de la personne, qui a certainement besoin d’un revenu, mais pas seulement d’un revenu! Pensons aux besoins de santé, que les systèmes d’assistance sociale traditionnels ne réussissent plus à satisfaire ; aux exigences pressantes de la solidarité, en plaçant à nouveau, au centre de l’économie mondiale, la dignité de la personne humaine, comme vous l’avez dit. Comme le dirait aujourd’hui encore le Pape Léon xiii : pour mondialiser la solidarité, « le christianisme a une richesse de volonté merveilleuse ! ».

Ne regardez donc pas seulement ce que vous avez su réaliser. Continuez à perfectionner, à renforcer et à mettre à jour les réalités bonnes et solides que vous avez déjà construites. Cependant, ayez aussi le courage de sortir d’elles, chargés d’expériences et de bonnes méthodes, pour apporter la coopération aux nouvelles frontières du changement, jusqu’aux périphéries existentielles où l’espérance a besoin d’émerger et où, malheureusement, le système sociopolitique actuel semble fatalement destiné à étouffer l’espérance, à voler l’espérance, en augmentant les risques et les menaces.

Ce grand saut en avant que nous nous proposons de faire faire à la coopération vous donnera la confirmation que tout ce que vous avez déjà fait non seulement est positif et vital, mais continue aussi à être prophétique. C’est pourquoi vous devez continuer à inventer — c’est précisément le terme : inventer — de nouvelles formes de coopération, parce que pour les coopératives aussi vaut l’affirmation : quand de nouvelles branches poussent sur l’arbre, les racines sont vivantes et le tronc est fort !

Ici, aujourd’hui, vous représentez des expériences précieuses dans de multiples secteurs : de la valorisation de l’agriculture à la promotion de la construction de nouvelles maisons pour ceux qui n’en ont pas, des coopératives sociales au crédit coopératif, ici largement représenté, de la pêche à l’industrie, aux entreprises, aux communautés, à la consommation, à la distribution et à beaucoup d’autres types de services. Je sais bien que cette liste est incomplète, mais elle est assez utile pour comprendre combien la méthode coopérative, qui doit aller de l’avant en étant créative, est précieuse. Elle s’est révélée ainsi face à de nombreux défis. Et elle le sera encore ! Toute appréciation et tout encouragements risquent toutefois de rester génériques. Je voudrais en revanche vous offrir quelques encouragements concrets.

Le premier est celui-ci : les coopératives doivent continuer à être le moteur qui soulève et développe la partie la plus faible de nos communautés locales et de la société civile. Le sentiment n’en est pas capable. Il faut pour cela mettre au premier plan la création de nouvelles entreprises coopératives, unie au développement ultérieur de celles existantes, de façon à créer surtout de nouvelles possibilités de travail qui n’existent pas aujourd’hui.

Ma pensée se tourne avant tout vers les jeunes, parce que nous savons que le chômage des jeunes, dramatiquement élevé — dans certains pays d’Europe, il atteint 40, 50% — détruit leur espérance. Mais nous pensons aussi aux nombreuses femmes qui ont le besoin et la volonté d’être insérées dans le monde du travail. Ne négligeons pas